Le fonctionnement de l'allergie


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Définition


    En 1905, le pédiatre autrichien Clemens Von Pirquet (1874-1929) invente le mot « allergie », du grec « allos » et « ergon », c’est-à dire « une autre action ».
Effectivement, l’allergie ou hypersensibilité est une réaction excessive du système immunitaire1 qui cherche à éliminer une substance étrangère (appelée allergène ou antigène) pourtant inoffensiv
e.
Gell et Coombs, deux immunologistes anglais, ont proposé en 1963 une classification en quatre types de l’hypersensibilité en se basant sur la forme de l’action et le temps de réponse. Bien souvent, ces différents types ne se développent pas séparément les uns des autres.
L’hypersensibilité de type I, qui est la plus fréquente, est celle que nous allons étudier à travers les allergies aux pollens. Généralement les symptômes apparaissent très rapidement (entre 10 et 20 min), c’est pourquoi on qualifie ce type d’hypersensibilité d’ « immédiate ». Toutefois, le terme n’est pas tout à fait exact car les manifestations peuvent se prolonger au-delà de ce délai.



Processus d’une réaction allergique de type I


Le mécanisme de l’allergie se déroule en 2 temps.

 
La première phase est celle de la sensibilisation
 

Des particules allergènes pénètrent l’organisme. Dans le cas des pollens, ce phénomène résulte surtout de l’inhalation2 mais aussi de contacts des pollens avec les muqueuses.
Des cellules immunitaires, les macrophages3, phagocytent4 ces particules et les digèrent avant de présenter des fragments de ces allergènes aux lymphocytes T (autres cellules immunitaires du sang). Ceux-ci vont ensuite activer les lymphocytes B qui produisent alors des anticorps5 : ce sont les immunoglobulines E (IgE). Ces anticorps sont adaptés à chaque allergène, c'est pourquoi on dit qu’ils sont spécifiques. Les IgE se fixent ensuite à d’autres cellules immunitaires spécialisées : les mastocytes tissulaires (variété de globules blancs présents dans les cellules de la peau et les muqueuses) et les basophiles circulants (leucocytes). L’allergène est  donc enregistré comme un « ennemi du système immunitaire » mais il n’y a eu pour l’instant aucune réaction : on parle de phase silencieuse ou muette. La personne est sensibilisée à l’allergène.






La deuxième phase est celle du second contact avec l’allergène ; on l’appelle phase de réaction ou  de déclenchement 

 
Lors d’un nouveau contact avec l’allergène les macrophages présentent des fragments digérés de l’allergène qui vont s’accrochés aux IgE fixées sur les mastocytes6 et les basophiles7.
Toutefois, les mastocytes et les basophiles reconnaissent l’allergène comme un danger, ce qui déclenche une série de réactions enzymatiques qui vont conduire à la sécrétion de médiateurs8 selon différentes voies :
 

 ♦ La première, la plus connue, mène à l’exocytose : les mastocytes libèrent des médiateurs dits "préformés", principalement l'histamine9, par « dégranulation ».

 ♦ La deuxième voie concerne les phospholipides membranaires10 qui donnent naissance à deux
 types de molécules pro-inflammatoires : les prostaglandines (PG) et les leucotriènes (LT). Ce sont des médiateurs néoformés qui peuvent avoir une action lente et prolongée pouvant s’étendre jusqu’à établir une inflammation11 subaiguë. Il s’agit donc d’une phase retardée qui apparaît quelques jours plus tard.
 
 ♦ La troisième voie va pérenniser l’inflammation en produisant des cytokines12 :
Ces molécules sont sécrétées par les cellules déjà activées au cours de la réaction (éosinophiles13, macrophages et lymphocytes) qui produisent des médiateurs pour amplifier l’inflammation (figure ci-dessous). Lorsqu’une cytokine se lie à son récepteur, elle provoque une cascade d’évènements métaboliques (par l’activation d’enzymes) qui va alors déclencher ou modifier l’activité des cellules, intervenant de la sorte dans la coopération des cellules impliquées dans les défenses immunitaires. Par exemple, l’interleukine 4 (IL4), qui est une cytokine, favorise la synthèse des IgE par les lymphocytes.

 

Effet des médiateurs libérés par le mastocyte
(« Allergoguide du symptôme au traitement », sous la direction de Guy Dutau, éditions médicales Phase 5)


 
    On considère qu’après les mastocytes, ce sont les éosinophiles qui sont les plus impliqués dans la réaction allergique.  En effet, ces derniers libèrent des produits toxiques qui vont amplifier la réaction inflammatoire, notamment dans le cas de l’asthme allergique (voir symptômes).
 
    On peut noter deux autres types de cellules qui interviennent dans la réaction inflammatoire : les cellules épithéliales14 qui interviennent soit de manière passive (dans le cas où leur destruction permet le développement de l’inflammation) soit de manière active (en libérant des médiateurs et des cytokines) ; et les cellules dendritiques15 qui présentent l’allergène aux lymphocytes T et produisent elles aussi cytokines et médiateurs.
La persistance de l’inflammation entraîne une fragilisation de la muqueuse ; la propagation des médiateurs dans l’organisme amplifie le phénomène allergique causant des réactions plus violentes.


 




Vocabulaire :

1  système immunitaire : système grâce auquel l’organisme se défend contre l’infection par des agents pathogènes de l’environnement.

2 inhalation : absorption par voies respiratoires

3 macrophage : cellule de grande taille ayant la propriété de détruire de grosses particules étrangères par phagocytose. Ces cellules constituent le premier mécanisme de défense cellulaire contre les agents infectieux.

4 phagocyter : opération de capture, d’ingestion et de destruction de particules ou de cellules par une autre cellule (dit phagocyte)

5 anticorps : protéine du sérum sanguin sécrétée par les lymphocytes B (globules blancs qui interviennent dans l’immunité) en cas d’introduction d’une substance étrangère (antigène) dans l’organisme.

6 mastocyte : cellule du tissu conjonctif qui sécrète des substances chimiques participant aux réactions de défense de l’organisme.

7 basophile : composant cellulaire ou tissulaire qui fixe les colorants basiques. Les polynucléaires basophiles sont des globules blancs dont le cytoplasme contient des granulations marquées par ces colorants basiques.

8 médiateurs : substance chimique par laquelle une cellule exerce ses effets

9 histamine : amine qui provient de la transformation d’un acide aminé : l’histidine. C’est un médiateur chimique.

10 phospholipide membranaire : lipide contenant de l’acide phosphorique ; composant majeur des membranes qui entourent les cellules de l’organisme auxquelles ils confèrent certaines de leur propriétés, notamment une plus ou moins grande perméabilité vis-à-vis des substances chimiques.

11 inflammation : réaction localisée d’un tissu, consécutive à une agression. Les quatre manifestations de celle-ci sont : rougeurs, chaleur, gonflement et douleur.

12 cytokine : molécule sécrétée par les lymphocytes et les macrophages impliquée dans le développement des réponses immunitaires. Les cytokines sont des petites protéines constituées d’acides aminés, qui agissent sur des cellules possédant des récepteurs propres à chacun d’entre eux.
 
13 éosinophile : composant cellulaire ou tissulaire qui fixe les colorants acide, en particulier l’éosinophile.

14 cellules épithéliales : ensemble de cellules (tissu) recouvrant la surface externe et les cavités internes de l'organisme. Vers l'extérieur, il s'agit de la peau et des muqueuses (couche de cellules recouvrant l'intérieur des organes creux) des orifices naturels.

15 cellules dendritiques : cellules présentatrices d’antigène du système immunitaire qui possèdent dans certaines conditions des dendrites (prolongement cytoplasmique)




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