Au début du XXème siècle, seul 1% des européens étaient atteints du «rhume des foins»; à la fin de ce siècle, ce taux s’élève à 20% avec une prédominance masculine chez les adultes. En France uniquement, on dénombre plus de 22 millions individus allergiques (tous types d’allergies confondus), soit environ un tiers de la population totale.
Ces dernières années, la fréquence des allergies a augmenté de façon considérable, si bien que cette pathologie se situe désormais au quatrième rang mondial des maladies, derrière le cancer, les maladies cardiovasculaires et le SIDA. Les prévisions indiquent que ce taux va encore grimper d'ici les prochaines années.
Des critères, autre que l'hérédité expliquent ce phénomène que nous allons tenter d’expliciter en nous basant sur trois grands points : la pollution, le changement climatique et le mode de vie.
La pollution urbaine
La rhinite allergique augmente fortement depuis le début de l'ère industrielle. Il est donc légitime de se poser la question de l’existence d'un lien entre la pollution urbaine et les pollens.
Von Mutius, après la chute du mur de Berlin, en Allemagne, a constaté que la fréquence des allergies était différente dans l'ex-RDA et l'ex-RFA (voir tableau ci-dessous). Il a constaté une prévalence des pollinoses et de l'asthme à l'Ouest (RFA) où les polluants1 tel le diesel étaient très utilisés.
Prévalence de l’asthme et du rhume des foins à un panel de 6 allergènes en RDA et RFA
(ouvrage « Les allergies polliniques « de F. Rancé, R. Navarro-Rouimi et G .Dutau, éditions Expansions Formation)
Ce qu'on sait de l'action de la pollution sur le pollen, c'est qu'elle peut agir sur le grain et augmenter le nombre de protéines allergisantes. Ce processus conduira à une aggravation de la réaction inflammatoire provoquée par l'histamine. L'observation microscopique des grains de pollens pollués, appelés « polluènes » montre la modification de la structure des pollens par les polluants.
Impact de la pollution sur les grains de pollens
(« Pollens pollués ou impacts des polluants sur les pollens », laboratoire Théa, collection librairie médicale allergie)
Au microscope avec un fort grossissement, on peut constater une fragilisation de l’exine2 qui présente des craquelures. Le contenu du pollen est moins concentré en protéines; cela prouve que les allergènes ont «profité» de la fragilisation de l'exine pour sortir.
Lorsqu’ils sont libérés, les allergènes peuvent être absorbés par certains aérosols dont le diesel. Les particules de diesel sont encore plus petites que les grains de pollens originels et vont par conséquent faciliter la pénétration profonde dans l’organisme de l'allergène.
Les polluants ont également la faculté de provoquer des changements morphologiques et fonctionnels de l'épithélium bronchique, lequel, une fois lésé, va faciliter l’accès des allergènes aux cellules du système immunitaire.
Des faits expérimentaux plaident en faveur de cette hypothèse et démontre que l'ozone3 ainsi que le dioxyde d'azote4 peuvent provoquer la synthèse de médiateurs et de cytokines pro inflammatoires.
Le Schéma ci-dessous récapitule le mécanisme allergique inflammatoire d'origine toxique.
(« Pollens pollués ou impacts des polluants sur les pollens », laboratoire Théa, collection librairie médicale allergie)
Le changement climatique
Le taux de CO2 dans l’atmosphère a augmenté depuis 1960 de 25% et continue de progresser. On parle de réchauffement climatique. Celui-ci est la cause d'une pollinisation qui apparaît plus tôt et retarde l'apparition de l'automne. Les hivers sont plus doux donc la période pollinique est allongée. De plus, ce réchauffement s'accompagne d'une diminution des précipitations et d'une augmentation des orages ; les allergies se manifestent plus violemment.
Enfin, sous l'effet de l'augmentation du CO2 les plantes produisent davantage de pollens.
Le risque allergique est, nous l'avons vu, lié à la quantité de pollens émis ; donc les conséquences de ce réchauffement peuvent s'avérer très néfastes pour les individus allergiques.
Le mode de vie
Les observations de différences entre l'Ouest et l'Est concernant le pourcentage de pollinose en Allemagne peuvent également être mis en corrélation avec le mode de vie.
A l'Ouest, on parle de mode Occidental : les maladies sont soignées par le biais de médicaments, les enfants vont chez une nourrice ou sont gardés à domicile, le nombre d'enfants excède rarement deux, les vaccinations sont courantes, une grande place est accordée aux loisirs (sports notamment)
A l'inverse, en RDA, les familles étaient nombreuses, les enfants allaient à la crèche, n'étaient pas vaccinés et les médicaments étaient rarement utilisés.
De la même manière, une étude américaine récente appuie l'hypothèse que les foyers à revenus élevés sont plus touchés par les pollinoses.
L'effort physique entraîne une hyperventilation. Celle-ci favorise l'inhalation de pollens et donc les manifestations allergiques.
Les médicaments, très utilisés dans le monde occidental dès que les symptômes d'une maladie, même bénigne, se manifestent semblent avoir des conséquences aux cours de la première année de vie. Effectivement, l'utilisation d'antibiotiques augmenterait le risque allergique.
Selon la théorie hygiéniste, le système immunitaire se retrouve inactif, notamment à cause des médicaments, et va alors reporter son action sur des substances inoffensives.
Une autre théorie suggère que les infections répétées de la petite enfance protégeraient des maladies. Ainsi, les individus des familles nombreuses mais aussi ceux qui ont été en crèche semblent courir un risque allergique moins important que les autres (principalement les occidentaux)
Vocabulaire :
1 polluant : agent responsable de la pollution
2 exine : couche externe du grain de pollen
3 ozone : gaz toxique présent dans la haute atmosphère
4 dioxyde d'azote : gaz toxique, polluant majeur de l'atmosphère terrestre produit par les moteurs à combustion et les centrales thermiques
